La suppression du gardien d'immeuble dans les copropriétés
Le salaire d’un gardien ainsi que l'ensemble des frais générés par sa présence (remplacement pendant les congés, indemnités de départ à la retraite ou frais liés à l'occupation de la loge.. ect ) peuvent parfois peser fortement sur le budget de petites copropriétés.
C'est la raison pour laquelle les copropriétaires peuvent vouloir envisager de supprimer le poste de gardien ou de procéder à son licenciement pour pouvoir recourir à un prestataire extérieur et récupérer la loge, dans l'objectif de la vendre ou de la louer et de générer ainsi un revenu pour la copropriété.
La suppression du poste de gardien apparaît parfois être une fausse bonne idée, un gardien pouvant apporter un niveau de service et une présence qu'une société de nettoyage ne pourra pas assurer.
Indépendamment de cette réflexion, qui doit être menée au sein de chaque copropriété, il faut savoir que le remplacement d'un gardien par une société de prestation de service n'est pas si simple.
La suppression du poste d'un gardien en place doit être distingué de la rupture du contrat du salarié, même si les deux notions peuvent s'imbriquer.
1) Sur la rupture du contrat de travail du gardien/ employé d'immeuble
Compte-tenu de la spécificité des conditions d’emploi des concierges et employés d’immeuble à usage d’habitation, ces derniers constituent une catégorie socio-professionnelle autonome.
Ils se trouvent en conséquence généralement exclus du domaine d’application de certaines dispositions du Code du travail.
Toutefois, la résiliation du contrat de travail des gardiens d’immeuble est, dans les grandes lignes, soumise au même régime juridique que la résiliation du contrat de travail de droit commun.
Ainsi, l’article 14 de la Convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d'immeubles prévoit que :
« Le contrat de travail conclu à durée indéterminée prend fin par la volonté de l'une ou l'autre des parties ou par consentement mutuel dans le cadre de la rupture conventionnelle sous réserve du respect des articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail. »
Ainsi, à l'instar des salariés de droit commun, la fin du contrat d'un gardien d'immeuble peut intervenir à la suite d'une démission, d'un licenciement ou d'une rupture conventionnelle
Le licenciement d'un gardien, concierge ou employé d'immeuble d'habitation n'est régulier en la forme et justifié quant à son bien-fondé que si le syndic, agissant en qualité de mandataire du syndicat des copropriétaires), respecte la procédure prescrite par la loi et si sa décision repose sur un motif réel et sérieux.
En ce qui concerne la procédure à respecter pour licencier régulièrement un gardien, concierge ou employé d'immeuble d'habitation, l'article L. 1211-1 du Code du travail permet de considérer que cette procédure est identique à celle requise par la loi en cas de licenciement pour motif personnel d'un salarié de droit commun.
Cela étant, le législateur a prévu des dispositions spécifiques pour tenir compte du particularisme de la relation de travail des employés d’immeuble
Notamment, si le règlement de copropriété prévoit qu'une procédure d'autorisation préalable du licenciement par l’assemblée générale doit être respectée, le Syndic a l’obligation de convoquer l’Assemblée générale des copropriétaires à cet effet afin que ces derniers puissent donner leur avis sur le licenciement du gardien d’immeuble.
L’inobservation de cette formalité a pour effet de rendre sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé.
A défaut, si rien n’est prévu dans le règlement de copropriété, le syndic, en tant que mandataire du syndicat, a le pouvoir d’employer et de congédier le gardien d’immeuble sans obtenir au préalable l’approbation de l’assemblée générale des copropriétaires (art. 31 du décret n° 67-223 du 17.3.67 pris en application de la loi n° 65-557 du 10.7.65 fixant le statut de la copropriété).
Même si rien n’est prévu à cet égard dans le règlement de copropriété , rien ne s’oppose à ce que l’assemblée générale puisse donner, à propos de l’engagement ou du congédiement du concierge, certaines directives au syndic, ni à ce que celui-ci les sollicite, s’il l’estime nécessaire.
Il est même recommandé, et courant en pratique, de solliciter l’avis des copropriétaires préalablement à la prise de décision.
Le gardien qui est licencié alors qu’il compte au moins un an d’ancienneté a droit, sauf dans le cas où son licenciement est prononcé pour faute grave ou lourde, à une indemnité de préavis et une indemnité conventionnelle de licenciement, laquelle est plus favorable que l’indemnité légale de licenciement.
En effet l’article 16 de la convention collective nationale des gardiens d’immeuble leur reconnaît le droit à une indemnité plus avantageuse.
2) Sur les motifs pouvant être invoqués à l’appui du licenciement d’un gardien d’immeuble
En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement du gardien, celui-ci doit procéder, pour être justifié, d'une cause réelle et sérieuse.
Ainsi le syndic ne peut procéder au licenciement du gardien d’immeuble qu'en justifiant sa décision par un motif personnel, qui peut être d'ordre disciplinaire (faute professionnelle) ou non disciplinaire (inaptitude physique d'origine professionnelle ou non-professionnelle, insuffisance professionnelle, refus d’une modification du contrat de travail…).
Licenciement pour absence répétée ou prolongée
La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que si l'article L. 1132-1 du Code du travail fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap , ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié.
La Cour de cassation considère que le fonctionnement de l’immeuble peut être perturbé même lorsque le Syndicat des copropriétaire fait appel à une entreprise extérieure de nettoyage pour pallier aux absences du gardien dans la mesure où ce prestataire extérieur ne peut effectuer la totalité des tâches d'un gardien /concierge dont la présence seule est de nature à sécuriser les résidents de l'immeuble (Cass. soc., 25 janv. 2012, n° 10-21.017)
Le salarié ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié
Ainsi, dans une affaire où la gardienne licenciée n'avait pas été remplacée par un salarié embauché mais ses tâches avaient ensuite été sous-traitées et confiées à une société extérieure de gardiennage, la Cour de cassation a considéré que le licenciement ne reposait pas sur un motif réel et sérieux. (Cass. ass. plén. 22 avr. 2011, n° 09-43.334)
L’objectif de cette solution est d’exclure que ce type de licenciement puisse conduire à une suppression d'emploi.
Ainsi, ce motif de licenciement ne pourra en aucun cas servir à justifier une suppression du poste de gardien d'immeuble.
licenciement pour motif disciplinaire
Comme tout employeur, la copropriété peut licencier un gardien qui commet une faute grave ou lourde, rendant impossible le maintien du salarié dans ses fonctions.
Cette faute doit exister, être précise et vérifiable, et suffisamment importante pour justifier la rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation admet par exemple le licenciement pour faute du gardien qui adopte un comportement grossier ou agressif, qui s’approprie une portion des parties communes, qui manque à son obligation de surveillance… etc.
Constitue également une faute le fait de s’être absenté de son poste de travail sans justification.
licenciement pour motif économique
La tentation est souvent grande pour les copropriétés d'invoquer un motif économique pour justifier le licenciement du gardien au motif que le salaire du gardien représente un gros budget pour la copropriété.
Toutefois, la jurisprudence l'a affirmé récemment : un syndicat des copropriétaires ne peut pas motiver un licenciement pour des raisons économiques.
La Cour de cassation considère en effet que le syndicat des copropriétaires n’est pas en soi une entreprise, si bien qu’il ne relève pas de la procédure pour licenciement économique (Cass. soc., 1er févr. 2017, n° 15-26.853).
Si les difficultés économiques de la copropriété sont réellement importante, il peut être envisagé de supprimer totalement le poste de gardien. Un licenciement découlera alors de cette suppression.
3) La suppression du poste de gardien
Avant de prendre une décision de suppression du poste, l'assemblée générale devra vérifier si le règlement de copropriété impose de recourir à un gardien ou à un concierge d’immeuble
Si tel est le cas, la suppression de ce service peut être de nature à porter atteinte à la destination de l'immeuble et à compromettre les modalités de jouissance des lots telles que prévues dans le règlement de copropriété.
Dans cette hypothèse il sera donc exigé que la décision soit prise à l’unanimité des voix des copropriétaires.
En revanche, si la suppression du poste de gardien ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble cette décision peut être, depuis la loi ALUR, prise à la double majorité de l’article 26 de la loi de 1965.
Il conviendra donc d’apprécier au cas par cas, en fonction notamment des tâches confiées au gardien et du standing de l’immeuble, si la suppression de cette fonction porte atteinte à la destination de l’immeuble afin de connaitre la majorité requise pour prendre cette décision.
Si la copropriété décide de supprimer le poste de gardien alors qu’un gardien est en fonction dans la copropriété, la décision de suppression entrainera son licenciement pour motif personnel.
Il conviendra cependant d’être très prudent et de veiller au respect à la fois des délais issus du droit de la copropriété et de ceux du droit du travail et aux motivations du licenciement délivré au salarié, afin qu’il ne puisse pas être requalifié.